L’émotion nait aussi de l’inattendu, de l’inespéré, au
détour du mystère.
Alain ALQUIER vient de trouver.
Combien de gestations verticales a-t-il fallu, d’années
passées à remonter la peinture comme Sisyphe son rocher.
Un semblant d’ennui, une réflexion nécessaire derrière
les barreaux. Ce ressassement comme une maturation l’a
arraché au plan qui érige ce mur contre lequel on frappe
sa tête, sinon son pinceau, pour toucher le sol, y
germer puis s’élever.
Cependant, qu’il n’imagine pas en avoir
terminé.
Si les courbes libres, maîtrisées,
laissent à penser que le peintre s’est affranchi d’une
ascèse pénitente, elles sont aussi les serpents du
Laocoon qui démembrent et enserrent, laissant surgir
d’autres tourments.
Le corps du peintre s’engage de ce côté-ci de la toile
alors que l’adversaire ou partenaire de danse y
apparait. Les blancs
calcaires sont aux prises avec le noir venin qui se
répand. Les rouges
signent les luttes universelles.
Le sublime ne se laisse pas approcher
sans mordre.
Des
anthropomorphismes pointent des os, des têtes basculent,
des membres se plient, les gouttelettes autrefois
remontées giclent et s’épuisent, ici, dans leur
descente éphémère, des courbes séduisent, là, tendues.
La sculpture antique n’est pas si loin, de celle qui
mêle terreur et violence, harmonie et sensualité. Le
Gréco lui-même y voisine, et Schiele ; les fonds
monochromes mettent en avant l’essentiel, oublient les
contextes.
Est-ce à dire que Alain ALQUIER est expressionniste ? Il
a pris un nouveau sentier. Nul ne sait où il mène,
chacun sait qu’il n’a pas de fin. Mais si l’aventure
fait naitre des forces, le temps s’en amuse ; le peintre
le sait. Qu’importe.
« Les peintres connaissent la
vieillesse, mais leur peinture ne la connait pas. »
*
Christophe Bassetto
(extrait du catalogue "Alain Alquier", éditions
GLOBAL.ART)
* André MALRAUX
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