« Quand j’étais étudiante, apercevant mon reflet dans des
plaques de zinc poli, j’ai commencé à y graver mes premiers
autoportraits.
Ce geste a été fondateur d’une démarche de création, qui part
des apparences, d’une quête d’abord narcissique, mais qui
cherche aussi surtout à rencontrer l’altérité dans une relation
de regards, comme un miroir tendu où qui accepte de regarder
peut-être y reconnaîtra son reflet. Un miroir qui engage à la
réflexion... sur notre nature humaine dans tous ses états, ses
perpétuelles métamorphoses.
L’estampe, image imprimée, est aussi révélée en miroir, comme le
monde visible et sa représentation, qui par l’imagination
intègre une part invisible et inconnue, une façon de passer de
l’autre côté comme Alice. Ce jeu de miroir est aussi
particulièrement à l’œuvre dans la relation amoureuse, ses
mystères insondables, ses fantômes et fantasmes. Je crée des
images pour faire corps avec le monde à travers les sensations
que j’éprouve. J’appréhende mon corps lui-même comme une surface
graphique sensible et fluctuante, perméable aux frémissements de
la vie et du désir. La durée d'élaboration nécessaire aux
techniques de gravure, leur processus-même, est mon moteur de
conception de l'image, l'outil, le geste et la résistance des
matériaux me guidant dans l'espace du matériau gravé. »
Iris Miranda est née à Grasse en 1979, dans une famille de
paysans et d'artistes. Ces influences conjointes et
déterminantes, une intuition créative et une curiosité
insatiable pour la nature, l’ont conduite à s’engager dans un
parcours artistique. Son rapport particulier à l'estampe trouve
sans doute sa source dans la fascination éprouvée enfant devant
les détails minutieux des planches gravées des livres anciens de
Sciences Naturelles. Elle s’oriente par la suite dans le choix
d'une école d'Art qui offre un cursus spécialisé en Gravure et
Image Imprimée, l'École Nationale Supérieure de La Cambre à
Bruxelles, dont elle obtient le diplôme en 2004. Depuis cette
formation initiale, cela reste son médium de prédilection et
elle explore avec bonheur les différentes contraintes de
l’eau-forte et ses textures précieuses; et de la gravure sur
bois avec ses contrastes bruts qui incitent à aller à
l'essentiel.
Elle vit aujourd’hui en Lot-et-Garonne et expose son travail
régulièrement en France. |
Du conte au mythe, Iris Miranda interroge notre identité, le
regard que nous portons sur nous comme celui, croisé, des
autres. La psyché est tendue.
Qu'y a-t-il sous le reflet?
Qui aime sa propre image au point d'en tomber amoureux ?
Narcisse ou encore tous les "selfistes" ? Préférons la piste
d'un Narcisse qui ne se reconnait pas et tombe amoureux de cette
figure qu'il ne voit pas comme sienne ; consentons aux seconds
qu'ils cherchent, sans relâche, leur propre identité dans leur
reflet, à moins qu'ils ne la construisent. La mimésis première,
re-présentation de soi ou du monde, s'est transformée par sauts,
par variants ingénieux, inattendus, jamais mortels mais
dérangeant, souvent, notre regard porté sur les choses.
Voyons-nous les êtres et les faits comme notre voisin les
perçoit ? La caverne - celle de Platon - est notre propre
aliénation. Iris Miranda force notre regard par les yeux
représentés qui nous observent - même en leur absence ! - telle
la Joconde dont la réponse nous échappe depuis des siècles.
Qu'y a-t-il sous la surface?
Dès la première attaque de la gouge sur le bois ou le lino, Iris
Miranda part à l'aventure sinon à la découverte de soi comme
l'archéologue sonde les strates à la recherche de nos origines.
Cette quête besogneuse creuse son âme et la nôtre, points de
rencontres en contrastes puissants qui s’assemblent en un Tout.
Christophe Bassetto
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